Épisode 2 – L’église Saint-Martin
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Archingeay autrefois
Nous remontons une fois de plus les couloirs du temps pour retracer l’histoire d’un édifice emblématique de notre village. Situé au cœur de notre village, son clocher sonne 3 fois par jour à 7h, midi, 19h. Il rythme nos journées. Cet édifice séculaire est riche d’événements qui se mêlent à l’histoire de notre pays. Vous aurez bien sûr reconnu notre chère Église St Martin.
La loi promulguée le 9 juillet 1905, considérée comme un des grands textes fondateurs de la IIIe République, tient pour l’essentiel dans ses deux premiers articles. Article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. » Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »
Aristide Briand jette ainsi les fondements de la laïcité. Ce principe garantit la liberté de chacun de croire ou de ne pas croire. Peu de démocraties dans le monde garantissent cette liberté. C’est en suivant ce principe républicain que sera rédigé cet article. Le fait religieux ne servira qu’à étayer le fait historique sans prosélytisme aucun.
Vers l’âge de 15 ans, Martin est lui-même incorporé dans l’armée et versé dans la cavalerie. Au cours de l’hiver 338-339, le jeune cavalier rencontre un pauvre en guenilles qui lui demande l’aumône. Martin n’a pas d’argent sur lui. Il tire son épée, tranche son manteau par le milieu et donne la moitié au pauvre. C’est la première charité de saint Martin.
Martin reçoit le baptême la nuit de Pâques 339, à 22 ans. Deux ans plus tard, à la veille d’une bataille contre les Alamans à Worms, il lui est demandé de sacrifier au culte impérial. Il refuse de combattre. Se voyant accusé de couardise, il décide de se présenter sans armes devant l’ennemi et miraculeusement les Alamans demandent la paix. Saint Martin peut alors quitter l’armée.
En 371 à Tours, l’Évêque vient de mourir. Les habitants enlèvent Martin et le proclament évêque le 4 Juillet 371 sans son consentement. Martin se soumet en pensant qu’il s’agit là, sans aucun doute, de la volonté divine
Un épisode cocasse est devenu célèbre encore de nos jours. Selon la légende, Saint Martin portant la bonne parole sur les côtes flamandes, aurait perdu son âne parti brouter ailleurs. À la nuit tombée, les enfants du pays se mettent à sa recherche, avec force lanternes. Ils défilent dans la rue, avec une lanterne en forme de tête, creusée dans une betterave à sucre. Après le défilé, on leur donne un foulard et une orange. Le concours de la plus belle lanterne est organisé. Cette façon de fêter la Saint-Martin montre bien qu’on a cherché à christianiser des usages anciens liés à la « fête païenne de Samain» qui survit sous le nom d’Halloween aux États-Unis.
Aujourd’hui beaucoup d’églises portent son nom ; en France, en Belgique mais, aussi en Amérique Latine.
L’ouvrage de Sulpice Sévère (Sulpicius Severus) (360-410) retrace la vie de ce personnage dans son ouvrage La Vie de Saint-Martin (De vita Beati Martini liber unus). Traduit en français et repris de nombreuses fois, cet ouvrage retrace le parcours peu commun de son maître.
La construction débute au XIIéme siècle et se finit au XIIéme. Son aspect extérieur se caractérise par la sobriété. Sobriété qui cependant ne va pas jusqu’à l’austérité. On retrouve des contreforts colonnes au chevet, une corniche à modillons pittoresques (élément qui sert à soutenir une corniche, un avant-toit ou un balcon), des baies au décor fleurettes, le clocher orné d’arches aveugles, etc…
Aujourd’hui, à l’intérieur la nef (lieu principal où se tiennent les fidèles lors des célébrations et des offices)est rétréci à l’intersection du transept (nef transversale qui coupe à angle droit la nef principale d’une église et qui lui donne ainsi la forme symbolique d’une croix latine) par de puissants faisceaux. On remarquera, à gauche, la chaire à prêcher du XVIIIe. Le carré du transept, doté d’une coupole sur trompe qui porte le clocher. Le bras très court, est couvert d’une curieuse voûte d’ogives à larges nervures. La travée droite, se prolonge par l’hémicycle du chevet ou l’élève un superbe autel du XVIIIéme surmonté d’un tabernacle de la même époque.
On remarquera les peintures dont il reste encore quelques traces dont certaines ont retrouvé leurs splendeurs d’antan. On retrouve des écussons accostés d’anges surmontés de couronnes et des fleurs.
La litre se superpose dans le chœur (partie du plan d’une église où se trouve le maître-autel et où se tiennent les clercs) au décor plus ancien. Sur un fond crème traité en ocre, agrémenté de fleurettes à 5 pétales et de rinceaux (motif ornemental constitué d’une « arabesque de feuillages, de fleurs ou de fruits sculptée ou peinte)en forme de poissons stylisés. On peut les dater du XIVé. Il est fort probable que ce décor s’étendait du chœur à l’abside (partie finale de l’église en demi-cercle). Imaginez les fidèles devant un tel décor flamboyant.
Au fil des siècles, l’Église va changer. Mise à mal lors des guerres médiévales et la Révolution. Elle sera incendiée, abandonnée. Il faudra attendre les restaurations du XVIIème.
Plus récemment, au cours des années 2000, la municipalité, grâce à des travaux d’ampleur, lui redonne sa gloire d’antan.
Un ex-voto est une offrande en demande d’une grâce ou en remerciement d’une grâce obtenue à l’issue d’un vœu. Dès l’entrée à gauche, vous trouverez une représentation.
Il s’agit d’un père et de sa fille. D’après leurs tenues et le vol d’oiseaux migrateurs, nous pouvons déterminer que nous sommes en Novembre entre 1453 et 1460. Ils cheminent sur la route de St-Jean-d’Angély et vont vers Saint-Savinien.
L’environnement du tableau est parlant. Les arbres brûlés, décharnés témoignent des guerres qui ont agité le pays.
L’éducation au Moyen Âge était généralement une affaire familiale. La plupart n’allaient pas à l’école. On ne leur donnait qu’une instruction pratique : les petits paysans apprenaient à s’occuper des cultures et des animaux, et les petites filles apprenaient à cuisiner, à tisser et à filer la laine.
Avant le XIIIe siècle, peu de nobles, hommes ou femmes, ne savaient lire. Pourtant, certains envoyaient leurs fils dans des écoles monastiques. Les livres sont rares et chers. L’âge moyen en France n’excède pas 35 ans. Beaucoup d’enfants n’atteignent pas l’âge adulte. Les guerres, les maladies, le manque de nourriture font des ravages. La foi est donc très présente.
La connaissance est détenue par le clergé qui diffuse l’enseignement religieux. Parmi les préceptes, on enseigne la vertu. Mais comment transmettre le savoir à un auditoire qui ne sait pas lire ? Du haut de sa chaire de prêche, le prêtre prêche contre le péché de chair. Mais comment transmettre le savoir à un auditoire qui ne sait pas lire ? Après l’office, les modillons font leur office.
Un modillon situé à l’extérieur de l’abside, montre une femme nue, jambes écartées. Elle offre sa poitrine à deux serpents. Cette représentation a plusieurs versions. Cependant, l’hypothèse la plus plausible est une mise en garde contre le péché de chair. D’autres éléments, comme les vitraux exaltés transmettent les valeurs de la foi chrétienne.
Il faut se mettre à la place du croyant de l’époque qui voit ces représentations. Il faut bien avouer que l’image interpelle tout au moins.
Le 14 Avril 2019, peu après 18 heures, un incendie se déclare à la cathédrale Notre Dame de Paris. Les flammes détruisent intégralement sa flèche, les toitures de la nef et du transept et sa charpente.
L’émotion que l’événement a provoqué submerge le pays. En effet cet édifice est un symbole emblématique à la fois religieux mais aussi culturel.
Ce qui est émouvant, c’est de constater que des hommes armés d’outils rudimentaires aient été capables de construire des édifices somptueux. Certains y auront passé leur vie. Et pourtant, leurs ouvrages leur survivent. Ces édifices accompagnent les habitants dans les moments déterminants joyeux ou funestes de la vie : naissance, mariage, mort.
Il existe 42258 églises et chapelles en France, dont la nôtre. Et dans 100 ans qui se souviendra de ce morceau d’histoire ? Sera-t-elle encore là pour témoigner de la vie de ses bâtisseurs ?
Sources documentaires :
Vie de Saint-Martin – Supice Sévére – traduit du latin par Richard Viot 1864 – Guide du voyageur de la France monumentale – Jean-Marie Audin – 1846 – L’art en province, histoire, littérature, voyage – 1836 Petite grammaire de l’obscène – Christian Bougoux – 1992 - Images de pierre? Le langage des sculpteurs romans, Pierre-Yves LE PRISE Essai d’un voyage dans l’invisible- Art roman et dualité, in Esprit d'Avant n°6, Thierry LESIEUR juin 2009
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